L’écosystème français possède un maillage de pôles d’excellence que sont les restaurants d’exceptions. La démarche d’innovation des chefs prestigieux est-elle transposable, exploitable ou inspirante pour les dirigeants de PME et ETI françaises ? J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec le jeune chef très prometteur Florent Poulard (photo) du restaurant Monsieur P, situé juste à côté du théâtre des Célestins à Lyon.
« Technique, émotion et souvenirs »
Après avoir échangé avec plus d’une vingtaine de chefs, il se profile quatre catégories communes à leur art culinaire : la culture, l’ouverture, la démarche et la recherche de défis.
Culture : le chef n’est pas issu d’une famille ayant une tradition culinaire prononcée. Après une formation à l’Institut Paul Bocuse, Florent fait ses débuts chez Guy Savoy lorsqu’il avait trois macarons au guide Michelin. A l’aide de cette solide formation, le chef de Monsieur P. va créer sa propre cuisine faite de « technique, d’émotion et de souvenirs » (sic). Il est fortement influencé par le chef triplement étoilé Alain Passard du restaurant parisien L’Arpège, notamment pour sa cuisine des légumes de saison.
Ouverture : 85% des créations du chef sont issues de la gastronomie traditionnelle française et 15% inspirées par les voyages effectués à New-York ou au Japon (décidément un passage obligé pour bien des chefs français…). Les produits sont ses sources d’inspiration ; il va du végétal (1ère source) vers l’animal (2e source). Et cela donne les fines ravioles de l’Ain au foie gras et à l’hysope, le sorbet d’huître à l’échalote ( deux plats signatures), une brioche aux algues…
Démarche : le chef échange beaucoup avec son second de cuisine et réalise des expérimentations inspirées, par exemple, par les magnolias situés face au restaurant (véridique !), comme ceux du jardin de sa grand-mère…Des bulbes de fleurs sont mis à macérer à froid dans du vinaigre avec de l’hibiscus (pour l’acidité) puis ajoutés à un coulis d’asperge blanche le tout accompagnant un poisson Saint-Pierre !
« Je suis toujours dans l’émotion. »
Défi : Le chef est un très gros travailleur, la valeur travail est primordiale : il réalisera pas moins de six nouvelles recettes en un mois pour sa carte. Il ose des approches improbables (cuisiner les bulbes de magnolia, une huître en sorbet) …Au final, ce sont ses clients qui établissent les plats signatures par leurs plébiscites.
Que nous enseigne ce moment d’échange ? Culture, ouverture, démarche, défis, sont les ingrédients de l’innovation. Celle-ci ne se décrète pas, elle est permanente.