Guy Lassausaie : il faut se forcer à innover !

L’innovation des chefs étoilés est elle transposable et exploitable par les PME françaises ? Cette fois-ci j’ai la chance de pouvoir m’entretenir avec le chef lyonnais Guy Lassausaie.  Il fait ses armes chez Lucien Ogier, Christian Bourillot et à l’Oasis à La Napoule. En 1993, il est élu « Meilleur ouvrier de France ». Il tient aujourd’hui son propre restaurant deux étoiles au Guide Michelin.

Il faut se forcer à innover ! Tout en gardant son style.

Pour Guy Lassausaie – 4e génération de cuisiniers – il faut toujours travailler sa création par rapport à ses racines, sa maison, son histoire. Il faut respecter son emplacement (à Chasselay) et se donner un style, son propre style et il ne faut pas en déroger. Les autres chefs ont soit du style, soit ils respectent l’histoire de la tradition. Le point de départ d’une nouvelle recette, c’est respecter le produit, le meilleur produit possible, de saison, sans faire attention au prix d’achat. Le style du chef c’est un mélange moelleux & croustillant pour l’équilibre auquel on ajoute toujours une épice et une herbe. L’épice est en soutien, donne du caractère, mais l’épice ne doit pas être trop forte.  Il cuisine de façon traditionnelle, comme faisait sa grand-mère.

La créativité est favorisée par un esprit léger, détaché des contraintes, par l’influence de certains confrères, les échanges avec les collaborateurs qui viennent d’autres maisons. Le chef peut ne pas avoir de périodes de créativité mais il prend alors énormément de notes sur ce qui l’inspire pour plus tard. Puis d’un coup, par fulgurance, la créativité démarre et il peut réaliser 8 à 10 recettes d’un coup. Pour mieux se représenter un plat, Guy Lassausaie crayonne une esquisse, grâce aux cours de peinture qu’il a suivi, simple, sobre, avec beaucoup de blanc dans l’assiette comme pour un tableau, puis il compose avec des légumes dont les couleurs sont très importantes. Le plat est ainsi crée sur le papier ;  il représente déjà 90% du plat finalisé ! Cette technique qui favorise l’expression est très utilisée en créativité ; c’est le doodling ou la facilitation graphique. Pour innover il faut regarder les nouveaux matériaux, les utiliser, les tester. Il laisse beaucoup de liberté à son second pour les amuses bouches ; c’est une bon terrain d’expression et d’expérimentation. La brigade peut également donner son avis, mais c’est bien lui qui décide pour garder le style.

On a de nombreuses fois les mêmes clients alors il faut se renouveler.

Il peut faire de la cuisine instinctive mais le plat doit avoir une logique avec les autres plats, avec l’historique de la maison. La notion de coût est importante, le prix de revient doit être logique, sans pour autant réaliser une cuisine coupée au carré, millimétré, car cela manque de vie. Il connait bien les prix des produits frais (bar de ligne, carré d’agneau, volaille) et tout doit être valorisé, par respect du produit ; les bouts  de poisson (queue, tête) sont transformés en mousses par exemple. Le chef signe des recettes pour des brasseries (à Villefranche-sur-Saône et au  Musée de la Confluence)  où les contraintes de temps (5/6 minutes) et de coûts encore omniprésentes. Faire un plat créatif pour une brasserie c’est plus dur ; nous sommes sur de l’innovation de contrainte ou frugale, ce qui est – reconnaissons-le – plutôt savoureux pour de la grande gastronomie !

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