Sébastien Bras, créativité en Aubrac

L’écosystème français possède un maillage de pôles d’excellence que sont les restaurants d’exceptions. La démarche d’innovation des chefs prestigieux est-elle transposable et exploitable par les dirigeants de PME et ETI françaises ? J’ai eu le plaisir de m’entretenir avec le chef Sébastien Bras du restaurant Le Suquet situé à proximité de Laguiole dans une région réputée pour ses bovins d’Aubrac et ses couteaux

« La réflexion est permanente »

Culture : le ton est donné dès les mises en bouche ; oeuf coque mouillette un peu régressif (sic)…qui lui rappelle ses souvenirs d’enfance lorsqu’il était à la ferme avec ses grands-parents. Le chef est un enfant de la campagne et se forge l’amour d’un territoire; l’Aubrac. Sa vocation de cuisinier est pour lui une évidence. Après son baccalauréat, il entre à l’Institut Bocuse à Lyon puis fait des stages chez la famille Bernachon à Lyon en pâtisserie-chocolaterie, puis auprès des prestigieux chefs Michel Guérard et Pierre Gagnaire. De retour à Laguiole, c’est naturellement qu’il collabore avec son père Michel Bras triplement étoilé au guide Michelin et considéré comme un des meilleurs chefs au monde. En 2009, Sébastien Bras prend seul la direction du restaurant familial Le Suquet situé dans un environnement magnifique. Le chef se pose en défenseur du plateau de l’Aubrac, et de son boeuf rustique facile à élever. Cette viande n’est pas pour autant incontournable à sa carte, il a des fournisseurs locaux, notamment un éleveur de chevreaux situé à 15km de Laguiole qui lui propose une viande rare et très saisonnière (1). Les végétaux ne sont pas en reste, Il dispose de son propre jardin potager ; il réalise de grosses cueillettes quotidiennes. La carte change très régulièrement, au gré des produits disponibles. Il affectionne également les fleurs comestibles comme le lys d’un jour (hémérocalle) et dispose de son propre jardin potager ; il réalise de grosses cueillettes quotidiennes. En fait, sa carte change très régulièrement, au gré des produits disponibles.

Ouverture : la Japon attire et fascine les chefs et chacun se doit d’y séjourner ; l’apport de ce voyage quasi initiatique est inspirant et structurant. Voilà 25 ans, le chef y est allé et a découvert un incontournable de la gastronomie nippone, le miso (composé de fèves de soja, de haricots, d’orge ou de riz auxquels on ajoute de l’eau, du sel et un ferment appelé kôji…) ; il trouvé ça très salé, très fort. Il est revenu de ce séjour perturbé et il est revenu avec le sentiment d’être « perdu ». Puis, des années après, il a fabriqué son propre miso, dans sa cave avec des légumineuses locales et des lentilles ; alors qu’il avait détesté l’original, cette adaptation locale l’a réconcilié…

Démarche : sa contrainte est qu’il est toujours obligé de créer. La réflexion est donc permanente mais il n’y a pas de chemin tout tracé ni de règles ; la création d’un plat peu prendre 7h ou 20 ans, comme le « miso local ». Il y a toutefois des cycles dans la créativité, nourris par des envies passagères, de nouvelles techniques (comme la lacto-fermentation ). Le chef réalise peu d’essais, sa cuisine est spontanée. . Il échange avec ses chefs de parties (voir brigade). Il partage, échange et accueil parfois des propositions de la brigade comme ce jeune commis péruvien qui lui a proposé une sauce au cacao et piment pour accompagner une pièce de boeuf.

« Le sens de mon métier est de ne pas s’ennuyer. »

Défi : le sens de son métier est de ne pas s’ennuyer et il sait se lancer des défis ; les chefs père et fils ont oeuvré au Japon, notamment dans un restaurant situé à Hokkaido où ils valorisaient les produits locaux avec des techniques de cuisine française. A l’inverse, le Sébastien s’intéressé aux techniques de cuisine japonaise qu’il s’approprie et emploie parfois.

Que nous enseigne ce moment d’échange ? Culture, ouverture, démarche, défis, sont les ingrédients de l’innovation. Celle-ci ne se décrète pas, elle est permanente.

(1) Menu du 27 mai 2023 : Pochée à l’olive (aile de raie), Champignons de Printemps (girolles), Elevé en cascade (omble chevalier), Du Cayrol (pièce de chevreau), Pépites de l’Aubrac (aligot), D’ici et d’à côté (plateau de fromages), De Saison (pâtisserie), Canailleries (glaces).

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