Ecosystème, permaculture et créativité.

L’innovation des chefs étoilés est elle transposable et exploitable par les PME françaises ? Cette fois-ci j’ai la chance de pouvoir m’entretenir avec le chef savoyard Laurent Petit. Installé à Annecy depuis 1992, où il a fondé Le Clos des Sens. Situé sur les hauteurs d’Annecy-le-Vieux, à proximité du lac éponyme, il est reconnu pour sa cuisine lacustre et végétale.

La démarche d’innovation du chef est calquée sur celle de la permaculture.

 

Depuis sa première étoile décernée par le Guide Michelin en 2000 à la troisième obtenue en janvier 2019, je questionne le chef sur ce cheminement vers la consécration et ce qui lui a permis cette reconnaissance d’excellence. Ce qu’il explique, c’est que la deuxième étoile correspond à une maîtrise parfaite de l’art culinaire – connaissance des produits, mariage des saveurs et textures, techniques de cuisine – et que le passage au niveau supérieur correspond à l’affirmation de soi, de l’affranchissement des contraintes. Ainsi, plus besoin de présenter à la carte des produits exotiques, des épices lointaines, voire même de la viande car ce n’est pas une tradition locale. Plus de carte même, mais des recettes préparées en fonction de la saisonnalité des produits et des arrivages.

Les produits locaux, poissons – féra, omble -, les écrevisses, les légumes sont la source d’inspiration du chef. Ici, point de fournisseurs, mais des producteurs de saveurs tous situés à proximité. Ceux-ci sont de véritables partenaires avec lesquels une relation de confiance est établie. C’est aussi pour le chef une façon de reconnaitre certains métiers qui se raréfient, comme les pêcheurs des lacs d’Annecy et du Bourget. Le jardin du Clos des Sens est planté d’herbes aromatiques et d’épices, cultivés en permaculture. La phase d’observation et de  « dissection » du produit est sa première étape et elle est clef pour le reste.  Un seul produit, comme l’asperge blanche, va être cuisiné sous différents angles d’attaques afin d’en révéler des saveurs et des textures jusque là non décelées ; une pointe rôtie au barbecue, des tiges coupées en allumettes le tout dans une soupe d’asperges. Un seul produit est ainsi sublimé.

« Fournisseur » est un gros mot pour moi ! Je parle de producteurs de saveurs…

La démarche d’innovation du chef Laurent Petit est calquée sur celle de la permaculture : une méthode systémique et globale qui vise à concevoir des systèmes en s’inspirant de l’écologie naturelle et de la tradition. Démarches effectuale et frugale également – on fait avec ce dont on dispose localement et on en tire toutes les ressources possibles ; ici point de café, pourtant la tarte fine maison permet d’en retrouver la saveur grâce à ce succédané de café qu’est la chicorée cultivée à proximité. L’écosystème proche est primordial ainsi que  l’intuitu personae avec ses producteurs incontournables dans cette approche locavore. Le partage des idées, la confrontation avec sa brigade de cuisiniers et les essais de nouveaux plats, puis la reconnaissance par les clients ou les critiques gastronomiques, parachèvent la démarche d’innovation de Laurent Petit.

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